Septime Meunier - Publié le 09/05/2012

Christophe Roger- Vasselin : "C'était plus facile il y a 30 ans"

- Aujourd'hui quelle est votre principale activité ?
Je m'occupe de l'école de tennis Flandrin près de la Porte Dauphine depuis douze ans. Après avoir arrêté ma carrière, j'ai fait plein de choses dans le tennis : entraineur, organisateur de stages notamment. J'ai organisé un tournoi de jeunes, et j'ai aussi entrainé l'équipe de France Juniors pendant un ou deux ans mais il n'y en a aucun qui est devenu très fort. J'ai entrainé régulièrement mon fils Edouard- Roger entre 15 et 17 ans, avec d'autres. Je le suivais dans les tournois. Maintenant d'autres personnes plus qualifiées s'en occupent.

- Quel est le statut de votre club par rapport à la Ville ?
C'est une concession, en fait c'est la ligue de tennis de Paris qui a la concession du site. Et moi j'ai l'organisation de l'école de tennis. J'étais là même avant car j'avais participé au départ au financement des terrains avec la Ville de Paris. Ça se passe bien, les gens sont contents, je l'espère en tout cas.

- Comment avez-vous anticipé votre reconversion ?
De mon côté cela s'est fait progressivement. Ce qui est important pour un joueur c'est de ne pas trop y penser quand on est en activité, sinon on peut plus se concentrer. Alors qu'il faut vraiment être à fond. On a beaucoup de temps libre certes, mais quand on commence à trop y penser on n'est plus impliqué pareil à l'entrainement. J'étais un petit peu blessé, j'avais un petit peu mal au dos en fin de carrière donc je m'entrainais un peu moins et ça s'est fait progressivement.

- Vous souhaitiez absolument rester dans le milieu du tennis ?
Oui, je voulais continuer comme ça. C'est un milieu que j'aimais bien. Ça s'est fait naturellement. On passe dix heures par jour dans les clubs tennis ou les stades pour s'entrainer. Ce n'est pas si facile de faire autre chose, au départ en tout cas. J'avais le bac, j'ai fait une année d'éco mais je n'avais pas poursuivi.

- Au quotidien qu'est-ce qui vous plait le plus ?
Le niveau n'est pas très élevé, ce qui est intéressant c'est de donner le goût au gens, qu'ils soient contents de l'organisation générale. J'aime bien les enfants, je suis content de les voir heureux. C'est varié, à la fois sur le terrain et en dehors. Il y a aussi la gestion de parents qui sont exigeants, à tort et à raison. Arriver à faire tout, c'est un ensemble de choses sympa.

- Les parents sont-ils plus pressants qu'avant ?
Je n'ai pas vu d'évolution notable. Je suis aussi président du Lagardère Paris Tennis, là il y a des espoirs, les parents ont une autre approche, il y a une exigence. Ils sont plus informés, plus ambitieux, les enfants aussi. Ça évolue dans le bon sens car il y a de plus en plus l'organisation de la fédération a appris de ses erreurs. C'est important qu'ils soient impliqués, c'est difficile pour un jeune d'arriver à être fort si les parents ne l'encouragent pas à fond et aient un peu de disponibilités ne serait-ce que pour l'emmener dans les tournois. Les meilleurs ne sont pas pris en charge tout de suite par tout le monde, donc il faut se débrouiller un peu seul

- Quelle est la nature de votre engagement au LPR ?
C'est bénévole. C'est sympa parce que c'est mon club d'origine, j'ai toujours été là-bas. On m'a demandé de m'occuper de ça et je le fais avec plaisir. Je suis président de la section Tennis. Je connais bien le club et je vois bien les besoins avec mon expérience à la fois du haut niveau et sur l'organisation des écoles de tennis, les jeunes espoirs.

- Que pensez-vous de l'évolution du tennis en tant que sport global ?
Le tennis s'est beaucoup démocratisé. Il y a beaucoup plus d'enfants qui le pratiquent. C'est difficile s'ils veulent jouer plus d'une fois par semaine à Paris. Le tennis loisir en France se porte bien malgré la concurrence accrue d'autres activités. A mon époque ce n'était pas un sport olympique, il y avait bien moins de pays qui faisaient des efforts de développement et qui sortaient des bons joueurs. Maintenant le haut niveau général s'est élevé. Il y a plus de tournois, à mon époque il y avait peut-être 150, maintenant il y en a 2500, les prix ont énormément augmenté, il y a la télé, c'est un monde complètement différent. C'était plus facile d'arriver dans les 100 premiers par rapport à aujourd'hui.

- Le haut niveau vous manque ?
Non parce qu'un moment il faut bien arrêter. J'ai même eu un peu de ras-le-bol car jouer tous les jours cinq à six heures. On s'entrainait autant que les joueurs d'aujourd'hui. C'est peut-être plus physique mais on passait beaucoup de temps sur le court. J'avais un petit peu de fatigue mentale, ça ne me manque pas. Et puis de toute façon je continue à jouer. J'avais arrêté pendant un moment et puis j'ai repris, je fais les championnats de France de ma catégorie d'âge.

- Vous avez atteint la finale Coupe Porée en 1978 avec la raquette spaghetti, c'est exact ?
J'ai joué en compétition avec pendant une semaine. Le cordage doublé était attaché avec des bouts de ficelle pour pas qu'il ne bouge trop. Ça faisait des lifts incroyables. La différence était aussi grande qu'entre une raquette de ping pong en mousse et une en planche de bois. Avec ses effets incroyables, elle avantageait énormément les joueurs qui utilisaient le lift. Des joueurs l'avaient utilisé pendant plusieurs mois, ça commençait à prendre. Et j'ai perdu aux qualifs à l'US Open, je suis rentré et il y en avait une qui trainait à Roland-Garros. Je l'ai essayé, je l'ai trouvé super et j'ai demandé à mon cordeur de m'en corder trois comme ça. Je me suis entrainé avec une semaine avant le tournoi, ou d'ailleurs d'autres joueurs l'utilisaient. Et ça a été interdit rapidement, ça dénaturait quand même beaucoup le jeu, avec des lifts incroyables. Ca permettait pas de jouer autrement. Avant cet épisode on pouvait jouer au tennis avec n'importe quel type de raquette en l'absence de texte les réglementant. A partir de là ils ont défini la taille et la nature des cordages.

- Vous n'en avez pas marre qu'on vous parle sans cesse de Roland-Garros 1983 ?
Non, et ça m'arrive, allez, une fois par semaine! (rires). Mais c'est normal quand on a fait un exploit. On a toujours des regrets mais franchement j'ai objectivement l'impression d'avoir fait le maximum par rapport à mes possibilités. On peut toujours dire, il aurait pu faire mieux, gagner tels matches...

- Vous avez été membre de l'équipe de France de Coupe Davis, vous avez atteint le second tours à Wimbledon et à l'US Open en 1981...
A l'époque il n'y avait pas tellement de coachs. On s'entrainait à la fédé mais sur le circuit on s'entrainait ensemble, c'était un peu moins précis. On faisait des gammes. Chez certains jeunes il y a peut-être trop de coaching. Il ne faut pas être livré à soi-même mais il ne faut pas non plus être complètement cocooné car c'est un sport où on se retrouve tout seul sur le court.

- Quel est le meilleur souvenir de votre carrière ?
Ça reste Roland-Garros. J'avais perdu six fois au premier tour dans les tournois précédents. J'étais 158eme mondial, donc atteindre la demi était inespéré.

- Vous pensiez être capable de battre Connors en quarts ?
Il se trouve que je l'avais joué deux ans avant au premier tour de Roland-Garros, j'avais fait un bon match malgré une défaite en quatre sets. Je me sentais bien. Au fur et à mesure que le match avançait en ma faveur ce qui était important c'était de rester concentré sur l'objectif et ne pas être bloqué par l'événement. C'est valable pour tous les joueurs, même un Federer à Roland Garros a été pris par l'événement à un moment en finale contre Soderling.

- Jouer Noah un français en demi après, n'était pas le pire adversaire à affronter ensuite ?
Je l'avais joué lui aussi deux ans avant au national a Nice, j'avais mené deux sets zero et j'avais perdu en cinq sets. Je pensais avoir ma chance mais il jouait vraiment bien cette année là. Et là j'étais par contre fatigué mentalement. Un ensemble de choses a fait que je n'ai pas donné le meilleur de moi même. Maintenant est ce que j'aurais gagné ? Peut-être pas, je n'étais pas favori. Est-ce que j'aurais fait mieux contre un autre joueur ? Impossible a savoir. Après dans le reste de ma carrière j'avais toujours un peu mal dans le bas du dos. Je n'étais pas à 100%, j'ai d'ailleurs vite moins bien joué derrière ce tournoi.