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Que sont-ils devenus ?

Richard Alvear - Publié le 17/06/2015

E. Deblicker : "Borg était très impressionnant" (1/2)

Chapô: 

Eric Deblicker est l'une des grandes figures du tennis français. Ancien bon joueur (76ème ATP) et après avoir été coach de la plupart des meilleurs joueurs tricolores, à 63 ans il dirige désormais depuis quatre ans le Lagardère Paris-Racing, le plus grand club omnisport de France. Pour Tennisleader, et dans cette première partie d'entretien, ce passionné de tennis et de sport en général, revient sur sa carrière de joueur et d'entraîneur.

Eric Deblicker, directeru du LPR, a été l'un des meilleurs joueurs français dans les années 1970 - © Tennisleader
Eric Deblicker, directeru du LPR, a été l'un des meilleurs joueurs français dans les années 1970 - © Tennisleader

Q/ Tennisleader : Comment êtes- vous venu au tennis ?
Eric Deblicker :
 "Le tennis a toujours été chez moi très ancré. Mon père était membre ici au Paris-Racing et moi- même j'ai toujours été dans ce club. En tant que jeune joueur, j'ai toujours été sélectionné dans les équipes de France juniors, de Coupe de Galéa et puis de Coupe Davis. Après mon Bac, j'ai fait une année d'université à Paris- Dauphine mais c'était difficile de concilier le tennis et les études. Alors, à 20 ans, j'ai décidé de me lancer dans le tennis professionnel qui n'en était qu'à ses débuts. J'ai eu également la chance d'avoir des parents qui m'ont toujours appuyé dans mes décisions. J'ai fait 10 ans de carrière pro et j'ai arrêté de jouer à 30 ans. Franchement je ne regrette rien et je me suis régalé."

Q/ TL : Comment était le tennis au début des années 70 et d'être joueur pro sur le circuit à cette époque ?
ED :
 "Le tennis à cette époque-là c'était bon enfant et c'était un peu le règne de la débrouille. On n'avait quasiment pas d'entraîneurs car c'était le début du professionnalisme. C'était vraiment l'aventure et nous étions des saltimbanques. Je crois que les gens étaient plus copains que cela n'est le cas aujourd'hui. Au niveau du jeu à ce moment-là, on était sur des prises à plat, voire ouvertes avec très peu de lift. Le lift est arrivé avec Guillermo Vilas et Björn Borg principalement. Et puis les raquettes étaient en bois, rien à voir avec ce qu'ont les joueurs actuellement, avec des appuis en ligne. Personnellement j'aimais beaucoup aller au filet et donc pratiquer un tennis offensif. Je plongeais assez souvent car je ne voulais pas me faire passer mais je n'étais pas le seul. Je pense que Panatta et Nastase plongeaient avant moi (rires)"

Q/ TL : Vous avez été 76ème au classement ATP, à votre meilleur. Quels sont vos plus grands souvenirs sur le plan sportif ?
ED :
 "Incontestablement lorsque j'ai joué la finale du Grand Prix de Madrid (ndlr : défaite en 5 sets face au Paraguayen Victor Pecci). J'ai aussi gagné des tournois que l'on considèrerait aujourd'hui comme des challengers, tel Biarritz à l'époque. Ce sont de très bons souvenirs. J'ai fait une carrière correcte en essayant de faire avec mes moyens. J'aurais pu faire mieux si j'avais eu les connaissances que j'ai utilsées par la suite lorsque j'étais coach. A l'époque on s'entraînait 4 heures par jour maximum. Maintenant c'est plutôt 6 heures, voire plus. Mes meilleurs coups étaient la volée et le revers mais je n'avais pas de surface de prédilection".

Q/ TL : Quel est le joueur que vous ayez affronté qui vous a le plus impressionné ?
ED :
 "Björn Borg sans conteste. Pour l'anecdote, j'avais mené contre lui à Rome 1 set 0, 2/1 mais finalement j'avais perdu en l'ayant accroché. Lorsque, quelques semaines plus tard, je l'affronte à Roland Garros au premier tour, je me suis dit que j'avais mes chances. Résultat, je me suis pris une "raclée", 1/6 1/6 1/6, sur le central qui était plein à craquer. J'étais effondré et pendant deux ou trois jours je n'osais plus sortir de chez moi. Et puis quand j'ai vu qu'il mettait des tannées à tout le monde, je suis ressorti de chez moi (rires). C'était vraiment un joueur très impressionnant et puis il a fait évolué le tennis grâce à cette approche très professionnelle."

Q/ TL : Vivait- on bien de son métier de tennisman à cette époque ?
ED :
 "Oui, on vivait bien. Moi je vivais comme un cadre à cette époque (ndlr : aux alentours de de ce qui serait 5 000€/ mois environ actuellement), même si cela n'a rien à voir avec ce que certains gagnent dorénavant. On avait des petits contrats avec des sponsors. On voyagait. Non franchement, on avait une vie particulièremet agréable".

Q/ TL : Vous avez eu une grande carrière de coach, comment s'est opérée la transition joueur- entraîneur ?
ED :
 "Je dirais que la transition se fait par la force des choses. Lorsque joueur, vous baissez
dans vos résultats et que vous récupérez moins bien de tous vos efforts, vous vous posez des questions. Et vous aspirez à faire autre chose. Concrètement, j'ai très vite voulu devenir entraîneur. En 1983, je suis rentré comme entraîneur à la FFT. J'ai commencé à entraîner Thierry Tulasne (ex- 10ème joueur mondial), Tarik Benhabiles et Pascal Portes. Ca a très vite bien marché. Après je me suis occupé de Fabrice Santoro, Arnaud Boetsch, Olivier Delaitre, Henri Leconte, Arnaud Clément, Sébastien Grosjean et, de temps en temps, Yannick Noah puisque j'ai été Capitane de l'équipe de France de Coupe Davis. Et évidemment Richard Gasquet durant 7 ans, avec qui je continue d'avoir des rapports privilégiés. J'ai eu la chance que tous ces joueurs progressent beaucoup au classement lorsque je travaillais avec eux."

Q/ TL : Quelles sont, selon vous, vos qualités en tant que coach ?
ED : "La première chose que j'ai toujours essayé de faire est de m'adapter au joueur. Pour entraîner il n'y a pas une seule méthode. Le tout est de faire en sorte que les joueurs aillent au bout d'eux-mêmes. Je crois aussi beaucoup au fait qu'un enraîneur doit aimer les joueurs et doive démontrer sa passion et la transmettre. Il faut créer des affinités, être capable de parler de tout et de rien car on passe beaucoup de temps ensemble. La programmation matchs/ entrainements est aussi très importante. Je sais que j'ai une image de de gars gentil à l'extérieur mais je sais être exigeant quand cela est nécessaire et parfois il faut être intransigeant."

Q/ TL : Quel est le joueur que vous ayez entraîné qui avait le plus de talent ?
ED : "Incontestablement Richard Gasquet. Je l'ai amené à la 7ème place mondiale en 2007 et il s'est qualifié pour le Masters. Sébastien Grosjean aussi avait beaucoup de talent et, du reste, il a été 4ème mondial. D'ailleurs c'est marrant car j'ai contribué au rapprochement de ces deux Méditerranéens puisque depuis quelques temps S. Grosjean entraîne R. Gasquet. Henri Leconte n'était pas mal non plus, côté talent."

Q/ TL : Pourriez- vous redevenir coach ?
ED : "Oui sans aucun problème. Moi je suis un passionné et dire jamais, sur le plan professionnel, ne fait pas partie de mon vocabulaire. Le tennis m'a permis de vivre une vie exceptionnelle alors redevenir coach, ca ne me poserait aucun problème. Même si j'adore ce que je fais actuellement (ndlr : il est Directeur Général du club du Lagardère Paris- Racing.)"

Q/ TL : Si vous deviez choisir d'entraîner de nouveau un joueur français aujourd'hui, qui serait-ce ?
ED : "Richard Gasquet mais cela a déjà été le cas. Je dirais Gaël Monfils mais bon il a déjà sa structure, donc la question ne se pose pas."

Q/ TL : Passons à un autre sujet, beaucoup plus douloureux et plus personnel. Pourquoi avoir publié, avec votre fils, ce livre L'impossible deuil où vous parlez du dècès accidentel de votre épouse et du suicide de votre maman ? (ndlr : sa permière épouse, hotesse de l'air, fut l'une des victimes de l'attentat libyen du vol 772 UTA au dessus du Ténéré)
ED : "Quand vous êtes confronté à des drames comme ceux- là, le regard des autres à votre égard change un peu et les gens n'osent pas évoquer ce type de sujets. C'est l'une des raisons pour laquelle j'ai décidé d'écrire ce livre avec mon fils Benjamin, en 2006. C'est un témoignage que j'ai voulu faire pour dire comment, avec mon fils et ma nouvelle femme, on s'en est sorti. Ce livre n'avait pas d'autres prétentions que celle d'être un témoignage et il nous a permis d'évacuer un certain nombre de choses. A la suite de sa publication, beaucoup de gens ont été touchés et sont venus m'en parler. Tout cela a permis de rebondir psychologiquement."


A lire : E. Deblicker : "Le LPR est un club unique" (2ème partie)