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Mental

Makis Chamalidis - Publié le 19/03/2012

Tennis et mental : les spécificités

Chapô: 

Le tennis fait partie des sports où la préparation mentale est la mieux établie. Makis Chamalidis, l’un des meilleurs spécialistes en psychologie du sport, nous parle des spécificités de ce sport.

Le tennis, un sport où la part du mental est prépondérante - © Tennisleader
Le tennis, un sport où la part du mental est prépondérante - © Tennisleader

Au foot, si une équipe mène 3-0 à quelques minutes de la fin, c'est gagné ou presque. Au tennis, on peut mener 6-2, 5-1, cela ne signifie pas qu'on va remporter le match. En face, l'adversaire peut soudain réaliser qu'il n'a plus rien à perdre et se lâcher. Conclure, au tennis, est donc loin d'être facile. Et c'est à cet instant là que certains auraient bien besoin de repères pour mieux gérer les moments clés d'un match comme conclure bien sûr mais aussi débuter ou gérer les points importants.

Le tennis aujourd'hui avec le golf, fait partie des deux sports où la préparation mentale est la mieux établie et la plus acceptée. Ceci s'explique surtout par la dimension individuelle qu'ils partagent, à ceci près qu'au golf il n'y a pas d'adversaire direct. Le tennis n'est pas un sport très linéaire: il faut gagner le point, le jeu, le set et enfin le match.

Le rapport particulier parent-enfant

Pourquoi l'aspect mental est aussi établi et travaillé dans le tennis et non dans le squash ou le badminton qui ont pourtant à peu près le même style de jeu? La grosse différence c'est que le tennis est un sport médiatisé, populaire où il y a de l'argent et qui fait fantasmer. Beaucoup de parents pensent que si leur enfant joue bien, il pourra confortablement gagner sa vie et que leur niveau social augmentera. C'est un sport à enjeux forts, et contrairement à d'autres disciplines, dans le tennis c'est très souvent les parents qui amènent leur enfant en tournoi. Il y a les moments passés dans la voiture avant et après le match, ils sont au bord du terrain pendant. Il y a donc dès cet âge beaucoup de moments où les parents interviennent sur l'aspect mental. Dans d'autres sports, les parents laissent leur enfant avec l'éducateur, en sports collectifs particulièrement.

Psychologue du sport, Makis Chamalidis a travaillé depuis 1994 avec plus de 300 sportifs et entraîneurs de haut niveau dans une vingtaine de discipline sportives en France et à l’étranger. Rattaché depuis 1997 au centre national d’entraînement à Roland Garros, il est aussi l’auteur du livre "Splendeurs et misères des champions" (crédit photo © Makis Chamalidis)

Une des spécificités du tennis c'est que c'est un des rares sport où un enfant peut jouer un tournoi contre un adulte. C'est à la fois incongru et un peu ambigu. L'adulte est plus expérimenté, plus rusé et va parfois s'imposer avec beaucoup de facilités sur le plan du match mental contre l'enfant. Il y a une autre dimension intrinsèque, c'est le classement. Depuis qu'ils sont tout petits, les jeunes joueurs sont conditionnés par lui. La question entre eux c'est « t'es combien ? » Comme si le classement résumait leur identité. Ils oublient qu'avant d'avoir un classement ils ont un style, une personnalité, une identité de joueur qu'ils ont besoin de défendre.

Ça montre toute la difficulté qu'ont certains joueurs, voire la plupart, à n'importe quel niveau, à se détacher du classement, de la hiérarchie. Souvent ils ont du mal à se positionner parce qu'ils n'ont pas assez réfléchi à leur identité, à ce qu'ils sont et ce qu'ils savent bien faire, à leurs point forts. Lors de matches à enjeux, ils seront plus touchés par les pensées parasites comme la peur de rater, en particulier s'ils doivent logiquement gagner ou non contre tel adversaire mieux ou moins bien classé.

Un mantra pour se définir

Et ça pose une question d'ordre psychologique et culturel. En tant que joueur, est-ce que je m'autorise à transgresser les règles du classement et donc la hiérarchie? Est-ce que je vais m'autoriser à battre un adversaire très fort, que je n'ai jamais battu, qui est peut-être mon idole? On la retrouve aussi dans d'autres sports mais de manière aigüe au tennis où on est souvent trop bon élève, trop formel sur le respect de l'autre. Il doit y avoir du respect avant le match, « bonjour/au revoir » mais pendant je ne dois pas respecter mon adversaire. Le classement est là pour être remis en question sinon il ne va jamais bouger...

Un autre singularité qui est propre au tennis, c'est que les joueurs parlent beaucoup de défendre leurs points en fonction de leurs résultats de la saison précédente. Ils sont constamment dans cette course qui peut ajouter de la pression mais qui pose aussi une autre question. On peut effectivement être pris par cette course au classement, mais on peut aussi et ça peut rendre plus fort décider de ce qu'on défend sur un terrain, en terme non pas de résultats, mais d'une idée forte, d'un style, d'une identité ou de valeurs.

L'exemple le plus évident c'est Roger Federer qui représente la recherche de l'élégance ou la quête de la perfection. Ce n'est pas un hasard d'ailleurs que le slogan publicitaire d'une des marques qu'il représente soit « la perfection au masculin ». Il faudrait poser la question aux joueurs du circuit mais je suis sûr que certains n'y ont pas réfléchi du tout. Pourtant ce devrait être un atout à l'instar de Mohamed Ali qui répétait sans cesse la formule mentale, « flotte comme un papillon, pique comme une abeille » devenue son identité forte sur le ring.